De l'Abbé Billard à Serge Bey...
................
D’après le docteur GUILLEMIN, juge à l’exposition canine de LOUHANS en 1936 où 9 chiens avaient été présentés, c’est l’ancienne race des épagneuls qui se serait conservée intacte en Bresse. Le docteur GUILLEMIN affirme même avoir retrouvé dans les chiens qui lui ont été « présentés », le portrait frappant des chiens de perdrix que représentent les vieilles tapisseries des Gobelins de divers châteaux d’Avignon et du Palais des Papes.
Pourquoi ce nom d’Epagneul de St-Usuge ? Dans un concours de chiens d’arrêt, cet épagneul a emporté le 1er prix, et lorsque le juge a demandé à son propriétaire de quelle race d’épagneul il s’agissait, il lui fut répondu que c’était un Epagneul de la région, du village de St-Usuge. Ainsi est né l’Epagneul de St-Usuge.
Le grand cygénéticien franc-comtois, le baron de RECULOT, dans ses « souvenirs de chasse au marais » parus dans le Journal des Chasseurs de 1838 signale les qualités de ce petit épagneul qui « se fourre partout, qui fouille tout et ne laisse aucun coin inexploré ».
L’épagneul de St-Usuge a failli disparaître. Avant la seconde guerre mondiale, il n’en restait que quelques exemplaires. Et ce fut à ce moment-là, vers le milieu du siècle dernier, qu’une histoire peu ordinaire commença. En 1939, le jeune abbé Robert BILLARD est nommé curé de la petite commune de Savigny en Revermont, située à la limite de la Saône et Loire et du Jura.
C’est un chasseur de bécasses passionné et il avait entendu parler de ce petit épagneul bressan et de ses qualités exceptionnelles. Il décide donc d’en chercher un, mais malheureusement la guerre éclate et notre jeune abbé est fait prisonnier et part en captivité.
A son retour en 1945, son idée toujours en tête, il interroge la Société Centrale Canine pour acquérir un épagneul de St-Usuge. On lui répond alors que la race a disparu et que la dernière présence dans une exposition canine date de 1936. Sans se décourager, l’abbé débute ses recherches de ferme en ferme et son obstination est récompensée quand en 1946 il découvre à le Fay, un petit village, un chienne assez pure et correspondant au standard de l’époque.
Peu fortuné il décide de vendre sa montre en or à son frère, afin qu’elle reste dans la famille, pour acheter la chienne. Il baptise sa petite chienne « Poupette » et commence à chasser avec elle. De plus en plus séduit par les qualités de la race au fil de ses sorties, il pense alors à acquérir un mâle. Ce n’est pas sans peine, mais en 1950 il trouve à LOUHANS « Dick », fils d’un chien qui avait obtenu le 1er prix à l’exposition de 1936.
Puis arrive la première portée et le curé BILLARD commence alors un cahier d’élevage. Il lui faut faire les choix qu’impose un telle régénérescence, c’est à dire éliminer avec rigueur les impuretés, les tares et les imperfections. Se pose alors le problème du renouvellement du sang, car les St-Usuge sont peu nombreux.
Constatant alors que le standard de l’épagneul de St-Usuge, défini par le docteur LONGIN en 1936, est pratiquement identique à celui du petit Münsterländer, l’abbé BILLARD se rend en Allemagne en 1962 et acquiert « Bianca von der Rumerburg », une chienne au palmarès brillant. Et ainsi pendant 33 ans il va s’attacher avec ténacité à la reconstruction de la race, élevant près de 250 chiens dans son presbytère de SAVIGNY EN REVERMONT. Un travail de bénédictin. Mais l’épagneul de St-Usuge était sauvé.
Et ce qui est extraordinaire, c’est que dans son cahier d’élevage, l’abbé notait les qualités de chasse de chacun de ses chiens, surtout en traquant le gibier qui le passionnait plus que tout autre : la bécasse. En fin cuisinier, il prolongeait même ses parties de chasse en invitant ses amis. Tous ceux qui eurent le bonheur de partager sa table disent que le « bob », comme ils l’appelaient familièrement, était un gastronome exceptionnel.
En 1978, il élève sa dernière portée et il offre son dernier chiot à la fille d’un de ses amis le jour de sa communion solennelle, avec une arrière pensée. Car il comptait bien faire de cet ami le successeur du travail qu’il avait accompli depuis plusieurs décennies. Serge BEY, c’est de lui dont il s’agit, chef de district local à l’ONF, était chasseur et amoureux des chiens.
Le 6 avril 1980, le curé lui lègue son précieux cahier d’élevage avec promesse de continuer son œuvre. Après un recensement des différents propriétaires, le premier rassemblement d’épagneul de St-Usuge a lieu le 21 octobre 1989 à MERVANS, en présence de l’abbé BILLARD.
L’année suivante, une poignée de passionnés autour de Serge BEY décident la création du « Club de l’épagneul de St-Usuge » dont l’un des objectifs est la reconnaissance officielle de la race. Mais il faut encore 13 années d’efforts et de la sélection pour qu’en janvier 2003 la Société Centrale Canine ouvre le L.O.F. aux épagneuls de St-Usuge.
Depuis la création du club, plus de 1200 chiens ont vu le jour, répartis dans presque tous les départements français, mais aussi dans plusieurs pays étrangers (Canada, Etats-Unis, Suisse, Autriche…) et notamment en Allemagne où il existe une antenne dynamique représentée par Christine ANDRES.
On peut maintenant rencontrer et découvrir des épagneuls de St-Usuge dans beaucoup d’expositions canines.